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Ze Records Of A Lifetime
9 janvier 2021

Rattle and Hum, hum ?

Avant d’en venir au cœur du sujet, je vous présente avant tout mes meilleurs vœux pour cette vaccinée… (oups mes doigts font n’importe quoi…) …année 2021 en l’espérant pleine de musiques et de concerts une fois que cette crise sera (peut-être) enfin terminée.

 

Mais, faisons foin de ce contexte et revenons de plain-pied sur le sujet qui nous rassemble. Je vous avoue que j’ai mis du temps à sélectionner le disque qui aura les honneurs de ce blog version Covid-19 an deux. Puis, après moult atermoiements, la révélation m’est venue un soir en prenant au hasard l’un de mes CD au gré de mes humeurs impulsives. Je ne suis pas de ceux qui se font une playlist pour la journée même si en ce moment j’ai pris la ferme résolution d’écouter à peu près tout ce que je possède de Rory Gallagher, un truc qui m’est venu comme ça ce matin, l’envie de m’imprégner des heures entières de la virtuosité de ce guitariste légendaire et fabuleux que j’estime bien supérieur désormais aux autres Hendrix et Clapton. Il y a fort à parier qu’il aura droit très rapidement à une chronique aux petits oignons.

 

Même si vous pourriez légitimement estimer que je dévie une fois de plus de mon propos initial, n’y voyez nulle forfanterie de ma part ou volonté dérisoire de faire du remplissage pour combler les trous d’un texte dont je ne sais encore, à l’instant où je rédige ces lignes, comment je vais l’organiser. Il faut savoir, chers amis, que je ne prépare pas vraiment mes chroniques par des recherches fastidieuses afin de vous dégoter des informations cruciales sur l’album dont je veux vous causer. A l’image d’un choix final dépendant d’une irrépressible instinctivité qui me procure l’envie de vous faire partager ma passion pour telle ou telle chose, je ne me fixe réellement aucun objectif. Tel le désir soudain d’enchainer une dizaine de galettes de Gallagher, le fait de m’attarder sur le disque du jour est la résultante d’un phénomène spontané.

 

Pour être tout à fait honnête avec vous, cela donc faisait un bail que je n’avais plus mis le CD en question sur ma chaîne. Il faut dire qu’à l’époque de sa sortie, à la fin de l’année 1988, il avait dû passer en boucle sur la platine durant des mois et avait eu – signe d’un entichement viscéral dès que quelque chose me plait au-delà du raisonnable – le privilège d’être immédiatement copié sur une bonne vieille cassette audio en vue de m’en délecter sur mon walkman Sony (en parlant de ces objets, je prends conscience d’avoir un satané coup dans l’aile ou le sentiment d’être parfois à côté de la plaque). Il faut aussi avouer qu’en ces temps reculés où nous pouvions respirer l’air frais du matin sans avoir besoin de porter un masque qui nous garantit plus que tout un anonymat constant ou nous rend potentiellement tous beaux aux yeux de nos semblables, U2 faisait partie de ces groupes que je vénérais plus que tout, les situant, dans mes délires adolescents, en bonne place entre les Beatles, Eurythmics ou Queen, mes principales références en matière de rock lors de mes quatorze, quinze ans. Encore aujourd’hui, je possède la K7 certifiée 1984 de leur mythique concert Under A Blood Red Sky, un live qui faisait déjà office de compilation magistrale de leurs débuts et de cette sensationnelle trilogie que constitue Boy, October et War, sortis entre 1980 et 1983. C’était lorsque U2 nous proposait un rock ardent, foisonnant et électrique porteurs de messages de révolte ou de combat contre une certaine forme d’oppression et d’injustice. En ce sens, en dépit des décennies qui passent et bien que leur discours revête actuellement tous les attraits d’un universalisme de bon aloi un brin factice (il faudrait d’ailleurs que Bono arrête de songer décrocher à tout prix le Prix Nobel de la paix ; il en devient ridicule…), on ne pourra jamais prétendre que les quatre irlandais de Belfast ont renié leurs principes de base au nom d’une gloire planétaire. On pourrait débattre des heures sur ce point, mais là n’est pas l’intérêt.

 

u2-1988-

Même si cela fait des lustres que U2 ne me fait plus musicalement vibrer comme lors des deux décennies de la fin du 20ème siècle, il n’en demeure pas moins (et je défie quiconque de me prouver le contraire) qu’il nous a offert une tripotée d’immenses disques. Il faudrait faire la fine bouche pour le nier. En fait, objectivement, on peut noter une véritable césure à compter de l’album Pop et son horripilant Discotheque (cependant, il contient son lot d’excellents titres). Par la suite, bien que les albums qui se succéderont, une demi-douzaine en gros, ont pu voir éclore quelques bonnes chansons (qui se dénombrent hélas sur les doigts de deux mains), force est de reconnaître qu’artistiquement U2 a sombré dans une certaine facilité et ne semble plus trop se soucier, à l’image de ces bandes qui vous remplissent des stades en deux coups de cuillère à pot, de retrouver leur fougue d’autrefois. La preuve en est que ces mecs sont devenus, à l’image de la plupart de leurs idoles des années 60, les pourvoyeurs d’une nostalgie sans fond qui continue à leur attirer les ferveurs d’une foule sans cesse renouvelée. Je suis frappé par la setlist de ces concerts où l’on se contente de nous en mettre plein la vue et les oreilles en débitant méthodiquement d’anciennes chansons à la grande joie d’une audience venue spécialement pour ça. Ils se sont quelque part métamorphosés en fonctionnaires de la musique en alignant les tubes comme d’autres les perles.

 

U2 avait toutefois accompli la prouesse de se renouveler jusqu’à l’amorce des années 2000. Il faudrait être dingue pour ne pas apprécier à sa juste valeur les formidables réussites que sont Achtung Baby (1991) ou Zooropa (1993) dans lesquels le groupe avait cherché – brillamment – à se construire un univers sonore aux antipodes du précédent en compagnie des excellents Daniel Lanois ou Brian Eno qui avaient su leur forger une autre personnalité au groupe et une image distanciée par rapport à leurs tonitruants et vindicatifs débuts. Ce sont en tous points des disques remarquables à l’atmosphère sombre. Au départ, ils ont surpris les fans de la première heure mais leur ont permis d’en conquérir des nouveaux. Cependant, ils ont été malheureusement à l’origine de tournées grandiloquentes et boursouflées à l’extrême au cours desquels Bono, aux allures de clown dérisoire, a renforcé son emprise sur le reste des membres et se pavanait sur scène jusqu’à l’écœurement au point de me le rendre presque antipathique à la longue. Il n’en demeure pas moins qu’il ne faut en aucun cas déprécier leur œuvre dans sa globalité à cause de ces détails subsidiaires. U2 reste parmi les plus grands groupes de l’histoire du rock quoi qu’on en dise. Et au mois, au contraire des pathétiques Coldplay qui avaient tout dit en deux albums certes sensationnels, les Irlandais peuvent se targuer d’avoir dans leur escarcelle une dizaine d’albums hautement recommandables et que vous serez à même de vous procurer sans honte aucune.

 

Rattle and Hum, donc la livraison de 1988, en fait partie. Ici, je sens que certains d’entre vous seront étonnés que je consacre ces lignes à un disque qui pour beaucoup de leurs admirateurs n’a pas laissé une trace impérissable dans leur discographie. On aurait pu penser que j’allais vous parler de The Unforgettable Fire (1984) ou The Joshua Tree (1987), le scud qui en avait fait des stars mondiales et qui reste un sommet plus de trente ans après sa parution. Pour d’autres, il est considéré comme un moment charnière où le groupe va définitivement perdre son innocence originelle pour se transformer en véritable machine à fric. En même temps, osez prétendre que vous vous destinez à être musicien pour courir éternellement derrière des cachets misérables ou à tirer le diable par la queue à compter du 5 de chaque mois. L’aspiration naturelle d’un gars ou d’une fille doté d’un minimum de talent est de percer dans un métier où il y a pléthore de prétendants et peu d’élus pour reprendre une formule usée jusqu’à la corde. On ne peut pas reprocher à U2 d’être devenu ce qu’il est parce qu’il a vendu plus de disques que la plupart des mortels ou d’avoir eu les moyens de ses ambitions. Eternel débat sans fin mais qui a ensuite voué le groupe à être de plus en plus dévalorisé aux yeux de critiques acerbes qui les jugeront assez vite comme les fers de lance d’une banalité inconvenante et sans génie. Pardonnez-leur, mon Père, ces plumitifs ingrats ne savent pas ce qu’ils font…

 

U2 RAH

Rattle and Hum (pochette iconique de Bono éclairant The Edge avec un projecteur lors d’un concert, cliché signé Anton Corbjin) est enregistré alors que leur dernière livraison continue à truster les récompenses et achats compulsifs sur l’ensemble de la planète. Au fond, il marque la fin d’une ère, une forme de bilan de leur dix premières années de carrière. A la fois album studio et live, ce disque hybride pourrait volontiers passer pour un truc vite fait, édité pour satisfaire les attentes d’un public qui avait hâte d’ouïr le successeur de Joshua, ce qui est un peu le cas pour être franc. Pourtant, il ne faut surtout pas occulter ses innombrables qualités. C’est le reflet parfait de ce que représentait U2 en cette fin des années 80. Devenu objet de rejet, de répulsion ou de détestation, accusé d’être un produit sans intérêt, Rattle and Hum mérite, tel que The Soft Parade des Doors, thème de ma dernière chronique, d’être revu à l’aune de la carrière des Irlandais. Il serait faux de la voir comme une suite de morceaux sans rapport les uns avec les autres, composés à la va-vite et enregistrés entre deux concerts lors de la triomphale tournée du Joshua Tree. Le prétexte était de servir de bande-son au film en forme de carnet de route au beau noir et blanc réalisé en parallèle par Phil Joanou en référence au Dont Look Back de 1965 consacré à Bob Dylan. En réalité, il s’agit d’un hommage à cette musique américaine que U2 vénérait tant, poussant le vice jusqu’à s’enfermer plusieurs jours d’affilée dans les mythiques studios du Sun Records où le bellâtre Presley avait fait ses premières gammes et vocalises pour y graver les éternels brûlots musicaux qui résonnent dans nos têtes. N’ayant plus de gêne à se confronter à l’ancienne génération, il s’adjoignirent les services de ce même Dylan et du fabuleux BB King sur, respectivement Love Rescue Me et Love Comes To Town, deux des pépites studio de l’album.

 

Je peux volontiers accepter de faire l’impasse sur les huit morceaux live, mais ce serait parfaitement déraisonnable car U2 ne se contente pas de recracher quelques anciens titres en vue de remplir copieusement les quatre faces d’un double album vinyle. Ils nous proposent une véritable relecture de Pride (In The Name Of Love), Silver And Gold ou un I Still Haven’t Found What I’am Looking For paré d’une épaisseur insoupçonnée avec de magnifiques chœurs Gospel. Quant à leurs reprises d’Helter Skelter des gars de Liverpool ou Along The Watchtower de Bob D. (encore…), on ressent la foi ardente que le groupe au summum de sa forme met à les interpréter. En soi, comme les 9 autres morceaux studio, ils auraient constitué un excellent album séparé. (Pour l’anecdote, c’est aussi lors de ces séances qu’ils mirent sur bande leur version du superbe She’s aMystery To Me qui sera ensuite proposé à Roy Orbison)

 

Mais Rattle and Hum, au-delà de son hommage appuyé aux racines du rock et de son tour de force en matière de composition sur lequel nous reviendrons juste après, est surtout le témoignage d’un groupe en roue-libre (dans le bon sens du terme) qui cherche d’abord à se faire plaisir. Ils sont parvenus au firmament, ils ont accompli tous leurs rêves. Le reste, ce sera du bonus, la notion de plaisir en moins peut-être avec ce sentiment d’être constamment attendu au tournant.

 

A mon humble avis, deux titres surnage au-dessus du lot. Sans vouloir déprécier Hawkmoon 269 (comme le nombre de mixages nécessaires avant que le groupe en soit satisfait…et d’autres affirmeront que c’est un disque bâclé…) la belle balade Heartland ou God Part II, un hommage indirect à John Lennon, Rattle And Hum est mémorable, du moins à mon niveau, pour Angel Of Harlem au son des cuivres des légendaires Memphis Horns de l’écurie Stax (les accompagnateurs, entre autres, d’Otis Redding) et le morceau qui le conclue en beauté, All I Want Is You et ses cordes somptueuses arrangées par le légendaire Van Dyke Parks.

 

Sur le principe, ils sont aux antipodes l’un de l’autre. Angel Of Harlem est virevoltant, mené à un rythme d’enfer avec ses innombrables mentions à la culture US. A ce titre, petit aparté dont je suis coutumier, je voue une reconnaissance à Bono rien que pour sa référence au Love Supreme de John Coltrane dans le premier couplet qui m’a donné l’envie de découvrir cet album et ce musicien en partant de l’axiome, du haut de ma candeur juvénile, que si Bono aimait ce type de choses, c’est que c’était du très bon. Sur ce point, je n’eus jamais à le regretter, Coltrane faisant partie depuis de mes musiciens préférés. Pour en revenir à AOH (oui je préfère user de l’acronyme pour ne pas avoir à me répéter), c’est également l’un des rares titres de U2 où l’on peut danser, se laisser porter par la pulsion rythmique, se lâcher au sens propre. Il est d’ailleurs révélateur que le groupe le reprend souvent au cours de ses tournées, y compris aujourd’hui. Dans le genre un must.

 

Mais AIWIY (acronyme encore, cf ci-dessus) constitue un palier supplémentaire. D’abord, il est unique en son genre car le groupe a fait très peu appel à des cordes. Ils enrobent ainsi la chanson d’une beauté fragile, presque sur le fil du rasoir, et accompagnent idéalement la voix lancinante et éplorée de Bono qui semble appeler à l’aide sa promise qui s’enfuie, une sorte de Ne Me Quitte Pas à la sauce irlandaise. Je vous confesse que ce titre me donne toujours autant le frisson à chaque écoute tant il est parfait dans sa construction de la première à la dernière note avec cette conclusion qui s’étire en longueur, le groupe se dissipant petit à petit comme au matin de ces amours perdus pour laisser la place aux violons, un symbole en guise d’adieu, comme si U2 clôturait une page de son histoire personnelle avant de passer à la phase suivante.

 

La décennie 80 a été celle qui a forgé la légende de la bande à Bono (bon, il fallait bien que je case cette blague éculée…). Par le biais de cette chanson, il nous donnait déjà rendez-vous par la suite en nous faisant la promesse de belles choses pour les années à venir. Ils dépassèrent toutes nos espérances avec Achtung Baby, mais cela, c’est une toute autre histoire…

 

Alex Miles

 

PS : il était évident qu’AIYIS serait choisi pour servir d’illustration musicale 😊  

 

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